Il est universellement accepté que l’avenir d’une nation peut être analysée et compris à travers l’investissement et l’intérêt accordé à la jeunesse au moment de l’analyse. Autrement dit, si on fait une analyse de l’intérêt et investissement qui est fait sur des programmes touchant la jeunesse tel que l’éducation, l’encadrement, la mobilisation de la jeunesse sur les questions de développement durables, etc. on peut se projeter dans un futur proche et lointain sur ce que ces jeunes deviendront dans les décennies à venir et comprendre quel type de société on aura car en ce temps, les jeunes d’aujourd’hui, seront les adultes qui auront les choses en main.
Malheureusement, on observe que dans beaucoup des pays africains, l’attention accordé à la préparation des jeunes pour jouer ce rôle de leader de demain n’est pas aussi important. En exemple, les proportions de budgets accordés à l’éducation sont toujours faibles, les espaces d’encadrements des jeunes ne font pas parties des priorités des dirigeants, la mobilisation des jeunes même dans les partis politiques ne se fait que pour des fins électorales et pas pour le but d’améliorer la société à venir, etc.
Comment pense-t-on avoir une société organisée et développée dans le futur si les jeunes qui doivent en être les pionniers ne sont pas préparés. ?
Nous présentons ici un résumé d’un travail de recherche qui a été fait auprès des jeunes pour illustrer ce manque d’implication des jeunes à juste titre même dans le secteur de l’aide humanitaire et du développement.
Dans le cadre d’un travail de mémoire pour un Master en Coopération Internationale et Aide Humanitaire, nous avons choisi comme sujet de mémoire « Analyse de la perception des jeunes de l’efficacité des programmes de développement en faveur des jeunes dans les milieux péri urbains, cas des zones péri urbain du Nord et Sud Kivu en République Démocratique du Congo et de Bambari en République Centrafricaine » Trois zones de deux pays distincts choisis pour l’importance des actions humanitaires et de développement mis en œuvre dans ces pays et donc dont les résultats de cette étude peuvent être extrapolés dans d’autres contrées.
En effet, les pays en voie de développement font face à des problèmes de gouvernance et économiques qui entravent les investissements dans les secteurs propices au développement. Ceci justifie le besoin en intervention aussi bien d’urgence que de développements pilotés par les secteurs privé, public et non gouvernementales dans le but de participer à l’amélioration des conditions de vie des citoyens.
Nous sommes partis du postulat que malgré des slogans qui soutiennent que la jeunesse est l’espoir du lendemain, très peu d’effort sont orientés vers les jeunes dans le but de les préparer pleinement à jouer ce rôle.
Dans la majorité des temps, ceux qui mettent en œuvre des projets de développement semblent être convaincus de la pertinence et de l’efficacité de leurs interventions.
Au-delà de leurs propres appréciations de la qualité des projets, pour des besoins d’accroitre la redevabilité, il est important aussi d’avoir un feedback des communautés bénéficiaires des projets afin d’améliorer davantage leur efficacité.
C’est dans ce cadre que nous avons voulu collecter les avis des jeunes sur leur propre appréciation de ce que représente les projets de développement qui les ciblent afin de formuler un plaidoyer, auprès des organisations et structures qui mettent en œuvre des projets en faveur des jeunes, afin d’améliorer les stratégies et l’efficacité des projets en faveur des jeunes ainsi qu’un plaidoyer auprès des décideurs publics, privés et donateurs afin de soutenir davantage les projets visant les jeunes, car c’est une voie efficace pour contribuer au vrai décollage des pays en voie de développement et surtout le développement de l’Afrique, un continent dont plus de la moitié des habitants est constitué par des jeunes.
L’étude a été menée à travers une enquête auprès de 450 jeunes de 15 à 35 ans dont 165 de sexe féminin et 285 de sexe masculin, issus de 12 quartiers péri-urbains du Nord et Sud Kivu en RDC et de Bambari en RCA.
Cette étude nous a permis de déduire et conclure ce qui suit :
- Répartis en 5 groupes d’âge de 15 à 35 ans, la tranche d’âge de 15 à 25 ans a été la plus importante parmi les enquêtés (52%). Mais malheureusement, la proportion d’entre eux qui sont élèves ou étudiants est très faible à Bambari (40%), ce qui signifie un besoin important dans le domaine de l’éducation à Bambari par rapport aux deux autres zones.
- Une importante proportion des jeunes au chômage représentant 28% des enquêtés dont grande proportion est en Centrafrique. Ajoutons à cela une grande proportion des jeunes débrouillards qui n’est aussi qu’une forme de chômage, les deux représentent plus de 52%. Ceci traduit un besoin très prononcé de création d’emplois pour favoriser le développement des jeunes.
- Un niveau faible de connaissance sur la nature des projets ainsi qu’une faible proportion des jeunes qui ont été bénéficiaires des projets qui sont mis en œuvre dans les communautés. Ceci impacte suffisamment non seulement l’acceptation des projets, mais aussi les capacités des jeunes à savoir orienter leurs revendications en termes de besoin d’appui
- A défaut des projets de développement, les projets d’urgence continuent à être mis en œuvre dans des zones où le contexte est pourtant propice aux projets de développement, freinant ainsi des élans de développement, parfois à travers un esprit d’attentisme et de dépendance à l’aide dans certaines régions.
- Les Stratégies des projets qui sont mis en œuvre ne sont pas toujours adaptées au contexte, c’est notamment le manque d’implication des jeunes dans le processus d’identification des projets, de sélection des bénéficiaires et des autres phases des projets qui impactent aussi très négativement la pérennisation et l’impact des projets.
- L’insuffisance des projets de développement ciblant les jeunes ; la faible proportion des jeunes parmi les bénéficiaires, le désengagement et la paresse des jeunes sont autant des problèmes constatés qui influent négativement sur l’impact des projets en faveur des jeunes dans les sociétés.
- Plus de 74% des jeunes ont considéré que la part des projets de développement en faveur des jeunes est soit inexistante (12%) soit insuffisante (62%). Ce qui traduit des problèmes réels de soutien des jeunes dans le cadre du développement.
- L’impact des projets ciblant les jeunes (humanitaire et de développement) n’est pas satisfaisant, 46 % des jeunes enquêtés ont considéré que l’impact est soit négatif (21%) soit inexistant (25%). De même ces projets ne sont pas pérennes. Ceci nécessite une sorte de remise en cause de la qualité des projets auprès des jeunes.
- Le besoin des projets soutenant la création de l’emploi pour les jeunes et l’entreprenariat était souligné parmi les besoins prioritaires.
- Presque la quasi-totalité des jeunes enquêtés ont été d’accord sur le fait que les besoins des programmes orientés vers les changements des comportements étaient une priorité pour les jeunes afin de les rendre plus conscients de ces rôles qu’ils doivent jouer dans la société en leur qualité des lanternes pour le futur.
Tous ces constants faits au cours de cette étude nous poussent à soutenir notre postulat qu’il n’y a pas suffisamment des efforts fournis aussi bien par le secteur public que privé et non gouvernementale pour soutenir à juste titre les jeunes afin de les préparer en tant qu’acteurs clés du développement dans les pays en voie de développement et plus spécifiquement en RDC et RCA.
Pour le peu des efforts et soutiens orientés vers la jeunesse dans ces zones d’étude, les stratégies et mécanismes de mise en œuvre des projets ne sont pas très contextuels pour faciliter une bonne appropriation des projets par les jeunes. Du coté des jeunes, il est noté un vrai besoin de changement de mentalité pour faciliter leur appropriation des projets ainsi que susciter en eux le gout de l’entreprenariat pour l’auto prise en charge et contribuer ainsi au développement de leurs sociétés.
Il est donc important que les décideurs ainsi que les bailleurs des fonds se mobilisent davantage pour contribuer à l’amélioration des stratégies de mise en œuvre des projets ainsi que leurs financements.
Il est important que les organisations et institutions qui mettent en œuvre des projets en faveur des jeunes envisagent des changements dans les approches d’identification et de mise en œuvre des projets, notamment en ciblant des structures d’encadrement des jeunes existants pour canaliser les projets, ce qui faciliterait une pérennisation des projets.
C’est dans ce sens que cette étude pourrait permettre de soutenir un plaidoyer afin de plaider pour un changement de stratégie et une mobilisation des ressources en faveur des organisations des jeunes qui peuvent faciliter l’accompagnement des groupes des jeunes pour l’amélioration des conditions des jeunes et le développement en général.
Dr Jacques CIZA- Février 2021.